Analyses et critiques de la loi ELAN
Analyses et critiques de la loi ELAN
Le projet de loi ELAN (Évolution du Logement, de l'Aménagement et du Numérique) a été présenté le mercredi 4 avril dernier en Conseil des ministres après saisine du Conseil d’État en février 2018. À présent, il doit être débattu devant le Parlement avec une première lecture du projet de loi devant l’Assemblée nationale fin mai et au Sénat début juillet.
La loi devrait être promulguée à la fin de l’été ou à l’autonome 2018. Le 26 avril, Jean-Louis BORLOO remettait un rapport au Premier Ministre indiquant ses préconisations pour relancer la cohésion dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Sur le sujet, le Président Emmanuel MACRON s’exprimera le 22 Mai.
Communication bien organisée pour mettre simultanément sur la table toutes les mesures préconisées ou création-confusion ? En effet, la loi ELAN concerne essentiellement l’urbanisme et le logement tandis que le rapport BORLOO comporte dix-neuf chapitres dont un seul est relatif au logement proprement dit. Les autres concernent un ensemble de préconisations sociétales pour certains quartiers.
La contribution ci-après est destinée à informer ou faciliter l’analyse et la lecture d’un sujet comme le logement qui nous concerne tous et dont la crise dite du logement, au cœur de la loi ELAN, est présente depuis trente ans.
On notera qu’aucun des candidats à la présidentielle n’avait dans son programme des dispositifs élaborés sur ce sujet.
PROJET DE LOI :
- Dynamiser les opérations aménagement : articles 1, 2, 3 et 5.
Il s’agit de transférer à l’intercommunalité la maîtrise des dossiers d’urbanisme et de créer des outils opérationnels et d’instaurer des PPA, GOU (voir lexique) etc. Il faut noter que ces dispositifs existaient déjà mais ils deviennent ici obligatoires. Sur le long terme et ses effets, la mise en œuvre sera longue et complexe. Pour les courts et moyens termes, il sera nécessaire de regarder les dérogations et/ou préconisations facilitantes. L’implication de l’État avec les collectivités ne pourra fonctionner qu’avec une cession de foncier lui appartenant à l’euro symbolique, ce qui n’est pas précisé.
- Libérer les terrains : articles 6, 7 et 8
Il est question ici d’une reprise de l’abattement fiscal de 70 % s’il s’agit d’une construction rapide et de 100 % si les logements sociaux s’inscrivent dans le cadre de propriétés détenues depuis moins de vingt-deux ans. La notion de terrain à bâtir doit être élargie aux maisons anciennes souvent construites sur de grands terrains où reste une constructibilité avec obligation de l’acheteur de bâtir. Ceci contribuera à la mixité et à la remise en état de quartiers lors de vente sur succession. Ici, l’incitation des personnes publiques propriétaires (État, collectivités territoriales) est absente.
- Aide à l’accession à la propriété : article 29
Concernant le maintien des prêts comme le PTZ et la loi Pinel. Le prêt 1% employeur devrait être revu et ne plus être de 0,45 %. La location-vente permettant de constituer un apport personnel devrait être promue et obligée pour un certain pourcentage dans les programmes libres comme dans les logements sociaux.
- Améliorer le contentieux de l’urbanisme : article 24
Il s’agit d’imposer une instruction des recours dans un délai de dix mois. Mais dix mois, c’est encore trop. Pourquoi ne pas créer au Tribunal administratif la voie obligatoire pour les recours du référé et sous un mois avec : soit rejet sans autres possibles recours soit renvoi au fond qui lui peut être de dix mois ?
- Simplifier l’acte de construire : article 18, 19 et 20
Il ne faut plus produire de nouvelles normes mais faire émerger des solutions efficaces. Le Code de la construction devra être réécrit ou certaines corrections devront être apportées mais aucune date n’est donnée. Quoi qu’il en soit, une nouvelle série de normes devra être écrite sinon ce sera au cas par cas. Également, il serait nécessaire de simplifier les procédures concernant le permis de construire.
- Numériser l’instruction d’ouverture des données / Fluidifier le traitement du recours PC ou autres / Limiter les délais instruction à dix mois : article 12 à 14 et article 17 :
Les délais sont trop longs, il faudrait introduire une procédure sous l’exemple du référé pour rejet ou renvoi au fond qui serait alors limité à six mois. Même les simples demandes de construction d’urbanisme, pour certaines dématérialisées, ne fonctionnent pas alors que cela est possible. De plus, il serait bon d’instaurer un compte type client pour les professionnels.
- Transformer les bureaux vacants en logements / Réquisition de locaux vacants / Ajuster les normes pour reconversion / Bonus de constructibilité, réquisition de locaux vacants pour l’hébergement des démunis : articles 9 à 11 :
Il s’agit d’un local vacant s’il est inoccupé depuis plus de douze mois. Ainsi, il faudrait que le PC relève juste du changement d’affectation avec l’absence de normes de stationnement sur le nombre de places par rapport aux logements. Est-ce une incitation pour les propriétaires institutionnels, à savoir les collectivités ? Quelle compensation financière de l’État pour, par exemple, le désamiantage ou les normes sur les ascenseurs. La réquisition pour les démunis pose problème : quel état des lieux pour les assurances ?
- Logement social, regroupement des organismes ; adapter, simplifier le cadre juridique de vente de logements sociaux, favoriser l’accession à la propriété. Faciliter la mobilité du parc social, regroupement des organismes de taille inférieure à 15 000 logements ou groupe unique par département. Examen de la situation tous les six ans : articles 25 à 29 :
C’est le volet le plus conséquent de la loi. Il y a 20 ans que le regroupement a été prôné même à 3500 logements, ce n’est pas efficace. La suppression de vente à l’estimation des domaines est un avancement mais qui contrôle que le prix de vente soit égal pour tous ? Le regroupement de structures s’entend du regroupement de patrimoine. Il n’y a aucune disposition sur les modalités fiscales plus-values entre les SEM, les SA d’HLM ni sur les reprises des emprunts du personnel ayant un statut différent. Autant de freins de blocages non légiférés sans parler de la gouvernance. L’obligation de vente aux locataires doit se faire par immeuble ou, le cas échéant, par gestion-type de la copropriété. Au regard des évolutions rapides, le délai de six ans doit être ramené à trois et des contrôles inopinés quant au nombre de résidents dans les lieux doivent être envisagés.
- Produire plus de logements privés abordables/ Instauration d’une liste de communes habitât dit tendu
/ Obligation de construction de logements dits « intermédiaires » dans le programme : article 52
Si l’obligation peut être satisfaite par les bailleurs sociaux, le secteur privé ne le fera que s’il y trouve le marché correspondant ; sinon il se retirera des communes concernées. Une réflexion est à mener sur l’abaissement des coûts de construction tout en conservant la qualité et en réduisant les délais.
- Revitalisation du centre-ville / Renforcement du programme de renouvellement urbain de dix milliards / Mise en place d’un contrat fédérateur réunissant tous les acteurs / Article 54.
Le processus par l’ANRU (Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine) 1 et 2 existe déjà et n’a pas été utilisé en entier suite à des lenteurs administratives déplorées par les maires concernés. Il est juste amplifié et ne sera plus opérationnel tant que la durée de mise en place sera restreinte. La gestion et l’emploi de cette somme doit uniquement relever des Maires.
La revitalisation des centres-villes est une louable intention. Cependant, il est constaté un manque de moyens financiers et d’informations alors qu’un budget pourrait être alloué par une ville éligible au nombre d’habitants. Le sujet appartient aux maires et ne se traitera qu’en obligeant les propriétaires de commerces au travers de taxes locales vacantes à baisser loyer par une réforme des baux commerciaux et de l’élargissement du bail précaire existant. Une ville doit pouvoir aussi par des SAEM ou autres louer ces emplacements sécurisant le propriétaire avec autorisation de sous-location permettant de positionner les activités manquantes à la dynamique. Ce sujet ne se fera pas en faisant l’impasse sur des parkings incitatifs. De même le raccordement wifi permet de rester plus longtemps en ville équipement adopté par les centres commerciaux. Le rapport BORLOO préconise la réorganisation de l’ANRU, le rôle de la Caisse des dépôts et consignation, la mise en place de structures de contrôle des déroulements opérationnels et la création d’un outil en structure fondation pour échapper aux lourdeurs administratives entre autres de l’Europe. Le chiffrage est impressionnant alors que les difficultés budgétaires sont connues, de plus dans la liste annexe des quartiers concernés, l’amplitude du chiffrage est surprenant par rapport à l’existant actuel.
- Améliorer le droit des copropriétés, accélérer la reprise en main des copropriétés dégradées, moderniser et simplifier le droit et l’organisation : Articles 59, 60 : Modification de la loi de 1965 modifiée en 1989 qui régit le fonctionnement d’une copropriété et permettant la libération de l’immeuble.
Cela ne concerne que les copropriétés dégradées et après expertise où l’État par ordonnance se substitue. L’atteinte à la propriété et à la libre disposition n’est pas très loin. Le décret rendant insalubre un immeuble existe. Il est dommage de ne pas trouver un volet dit de prévention. L’état d’un immeuble se dégrade souvent parce que le syndic n’arrive pas à faire financer les travaux par les copropriétaires. Si le non-paiement des charges permet une mise en vente forcée, ce n’est pas le cas pour les travaux votés. L’article 60 peut prévoir ce cas ainsi que la mise en place pour le locataire défaillant d’un prêt qui sera remboursable in fine (vente succession). Le rapport BORLOO traite du sujet à l’égal de la loi ELAN.
- Location révision des loyers simplification acte caution : remise à niveau de la législation applicable aux révisions de loyers : Articles 47 et 48.
Ce point de révision de loyers méritait d’être clairement rédigé. Par contre, le traitement dématérialisé comme pour le bail de l’acte de cautionnement posera un problème de sûreté quant à une rédaction qui était de visu et manuscrite et confidentielle entre les signataires. Ce point devrait être vu avec la CNIL ou le Conseil d’État.
- Encadrement des loyers et sanctions non respect Permet aux collectivités de décréter l’encadrement / Création d’observatoires des loyers : Article 49 :
C’est difficile à appliquer dans les villes moyennes. De plus le rapport offre/demande devient un régulateur. Quand sera appliquée la taxe sur les locaux vacants ? Avec la difficulté qui est de comptabiliser les locations touristiques abusives.
- Pénalités des contraintes et amendes pour communes en zone dites tendues : Article 51 : Contrôles actuels aléatoires et décalés dans le temps
Ce sont les communes qui décident de l’application. Il faudrait que l’information soit par exemple diffusée avec le recouvrement de taxes.
- Rénovation énergétique : plan pour l’ensemble des logements sociaux et pour le privé. Aides aux propriétaires de revenus modestes : Article 55 :
Face à cet enjeu important, si c’est aisé à maîtriser dans le logement social, pour le privé chaque maire devrait diligenter par survol les logements concernés identifiés les propriétaires et l’État devrait publier le montant des aides. Pour éviter toute augmentation par les entreprises, chaque département avec son service technique devrait devoir fournir un bordereau cadre de prix références.
- Bail numérique pour transparences des infos locatives. Il s’agit de rendre les baux numériques pour rendre leur traitement par observatoires : Article 61 :
Il n’y a pas de problème pour les bailleurs sociaux ou institutionnels. Quand on sait la diversité des propriétaires parfois âgés, nombreux sont ceux qui pourraient renoncer. De plus, la confidentialité entre les parties est mise à mal, sachant aussi qu’une signature de simple bail peut faire plus de quarante pages avec diagnostics etc… Ce point semble difficile à devenir opérationnel et est une atteinte aux libertés individuelles. Le fichier centralisé sera dans son usage contrôlé, mais par qui ? Ce point doit faire l’objet d’une consultation de la CNIL voire du Conseil d’État.
- La mixité inter-génération APL devient pérenne en cas de sous-location partielle à un adulte de moins de trente ans : Article 39 :
Ce point permettra à une personne relevant des APL de continuer à avoir cette aide qui va se cumuler avec une sous-location. Ici, l’’intention est bonne mais il sera nécessaire de faire attention aux abus et aux conflits organisés. L’intervention systématique d’un médiateur reste à conseiller.
- Prévention de l’expulsion des locataires surendettés ; Clarification du fonctionnement juridique impayés loyers : Articles 40 à 42 :
Le texte reste confus pour un propriétaire et difficile à suivre. Une simplification aurait été bienvenue ainsi que le regroupement sur une seule juridiction dite par exemple de proximité quels que soient les montants dus. Le problème des locataires de mauvaise foi qui payent un loyer tous les quatre mois pour ralentir toute procédure n’est pas traité.
- Nouveaux outils politiques logement d’abord ; simplification de procédures pour les travaux d’extension de foyers existants : Articles 43 et 44 :
En cas d’absence d’appels d’offres publics, qui contrôlera l’opération pour garantir l’absence de dérapage financier ?
- Colocation de logement social pour personnes handicapées / Régit le partage d’un même logement hors HLM par des handicapés : Article 45 :
Il faut une cohabitation clarifiée et encadrée qui évitera des dérapages.
- Habitat indigne : sanctions, création présomption de revenus : Articles 56 à 58 :
L’État, en louant des hôtels-sentiers, participe à ce constat. En habitat classique, la police municipale doit être habilitée à visiter et à constater. Il faut rechercher au cadastre les propriétaires et lancer une procédure.
- Parc privé bail mobilité SOLIBAIL Bail meublé de un à dix mois sans caution. Avec garantie Visale, contrat de location sécurisé par l’État : Article 34 :
Ce type de bail existe déjà avec GLS propriétaire pour les LMP. La garantie Visale est demandée par le locataire gratuitement avec Action Logement. Il est fait mention d’une couverture loyers impayés de trois ans mais n’est question de rien sur les dégradations et la remise en l’état, ce qui est à mettre en relation ni avec les impayés, ni avec les modalités de saisine Action Logement. Il faudrait renforcer le statut de loueur en meublé professionnel, ce qui permettrait d’augmenter le nombre de produits disponibles et moins de meublés touristiques. Le prix du loyer reste-t-il libre ? Il existe déjà la possibilité de donner à bail le logement à un bailleur social. L’information sur ce sujet n’est pas assez faite auprès des propriétaires détaillant pour eux les critères.
- Parc social : attributions et réexamen périodique, situation des locataires, mise en place transparente avec système de points connus à l’avance mais les commissions restent souveraines : Articles 35 à 37 :
Il y aurait moins de difficultés si plus de logements étaient disponibles et si les gestionnaires dans l’attribution ne privilégiaient pas leurs diverses sûretés locatives (une retraitée restant dans le F4 c’est mieux pour la gestion qu’une famille avec quatre jeunes).
- Situations des locataires / Fluidifier les attributions : Article 38 :
Le bail qui était à vie est maintenant de six ans. Il pourrait être réduit comme dans le privé à trois ans ce qui oblige à revoir les revenus et le nombre d’occupants actuels. Le loyer ne compensant nullement une occupation qui peut se faire dans le privé ou dans l’accession, lesquels locataires concernés plus éligibles peuvent devenir des candidats à l’accession sociale prioritaire. Par cette situation, plus de logements que l’on ne croit vont se trouver rapidement libres.
Améliorer le déploiement du haut débit / Réalisation des passages de câbles : Articles 62 à 64 :
Il s’agit de faciliter le passage de câbles par rapport aux servitudes : la notion de servitudes avec celles trentenaire non inscrites est compliquée. Voir une exécution par arrêté municipal serait bienvenu.
Colette Soulairol,
Présidente de Norman Parker, franchise de promoteurs immobiliers.
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Lexique si besoin pour lire le projet de loi :
SAC : Société Anonyme de Coordination.
SACICAP : Société Anonyme Commerciale d Intérêt Collectif d’Accession a la Propriété.
FESH : Fédération Entreprise Sociale d’Habitat.
CU : Convention d’Utilité.
OIL : Observateur social de loyer annexe aux agences d’urbanisme.
OIN : Opération d’Intérêt National.
GOU : Grandes Opérations d’Urbanisme.
PI : Permis d’Innover.
PIL : Procédure Intégrée pour le Logement.
FPS : Foncière Publique Solidaire.
SAR : Schéma d’Aménagement Régional.
SI : Système d’Informations.
PPA : Projets de Partenariats d’Aménagement.
NPNRU : Nouveau Programme National de Renouvellement Urbain.
THD : Très Haut Débit.
EPA : Établissement Publics d’Aménagement.
EPFA : Établissements Publics Fonciers d’Aménagement.
SPLA-IN : Société Publique Locale d’Aménagement d’Intérêt National.
SEMAOP : Société d’Économie Mixte d’Aménagement à Opération Unique.
EPCI : Établissement Public de Coopération Intercommunal.
APAGL : Association Pour l’Accès aux Garanties Locatives.
AFL : Association Foncière Logement.
VISALE : VISA pour le Logement et l’Emploi.
CNTGI : Conseil National de la Transaction et de la Gestion Immobilière.
ORT : Opération de Requalification des Territoires.
ORQUAD : Opérations de Requalification de Quartiers Anciens Dégradés.
ORCOD : Opération de Requalifications de Copropriétés Dégradées.
ANFR : Agence Nationale des Fréquences.
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