En matière de tracking, rien n’est garanti tant que l’Union européenne ne dispose pas d’une réelle souveraineté en matière d’application."

En matière de tracking, rien n’est garanti tant que l’Union européenne ne dispose pas d’une réelle souveraineté en matière d’application."

Depuis plusieurs jours, on parle de la mise en place du traçage numérique pour lutter contre le COVID-19, ce qui n'est pas sans soulever de réelles inquiétudes.

 

Pour avoir longtemps travaillé sur la question de la souveraineté numérique et rédigé de nombreux rapports, je suis hostile au principe de tracking même si celui-ci s’inscrit dans les limites du règlement général sur la protection des données RGPD.

 

En somme, rien n’est garanti tant que l’Union européenne ne dispose pas d’une réelle souveraineté en matière d’application. En effet, en l’état, cela supposerait d’avoir recours à des entreprises et à des applications d’origine étrangère en l’absence à ce jour de proposition européenne fonctionnelle. Cela pose une question de souveraineté puisque la seule solution semble être d’avoir recours à des entreprises extra-européennes telles que Palantir, Google ou Apple. Lorsque l’on sait les abus dont se sont rendues coupables certaines entreprises et que la législation américaine autorise la captation de données, il y a de quoi être inquiet.

 

Le traçage numérique pose également la question de nos choix de société. Il nous impose d’arbitrer entre une société de l’hypercontrôle et de surveillance de chaque individu à la chinoise et une société placée sous la domination des entreprises extra-européennes alors que le scandale Cambridge Analytica a révélé le traitement illégal qui était fait de nos données.

 

De toute façon, l’efficacité d’un tel dispositif peut être questionnée. En effet, nous l’observons à Singapour où seulement 18% de la population a téléchargé l’application TraceTogether, l’application doit être téléchargée par un nombre suffisant d’utilisateurs pour que celle-ci puisse se montrer efficace. Or, le Gouvernement a annoncé que son téléchargement reposerait sur le volontariat, ce qui est heureux mais met en doute sa portée.

 

Surtout, et le rebond de l’épidémie dans les pays asiatiques en témoigne, le traçage numérique doit s’articuler avec un dispositif médical établi avec un nombre de tests suffisant et un contrôle de la population en matière sanitaire, ce qui, compte tenu des difficultés d’approvisionnement, semble loin d’être le cas en France.

 

Catherine Morin-Desailly,
Sénatrice, Présidente de la commission culture, éducation et communication.

 

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