Dépenses, recettes, accès aux soins : pour une meilleure prise en charge de notre système de santé !

Dépenses, recettes, accès aux soins : pour une meilleure prise en charge de notre système de santé !

Les politiques de santé sont censées fixer un cap pour donner à chacun les moyens de se soigner et de rester en bonne santé le plus longtemps possible. En France, non seulement notre système de recettes/dépenses en matière de santé ne répond pas à cet enjeu, mais cet objectif n'est pas atteint notamment faute de bonne régulation des acteurs de la santé (médecins, ophtalmologues...) sur nos territoires.

Le problème majeur de la dépense reste le trop grand nombre de primo-prescriptions d’examens, de soins et de chirurgie aggravés par la démographie. Chirurgien orthopédiste de profession, lors de mes consultations, je suis toujours surpris, voire scandalisé par le nombre d’examens inutiles qui ont été réalisés auparavant. Par exemple, de nombreux malades viennent avec des Imageries par Résonances Magnétiques (IRM) pour des pathologies osseuses alors que l’IRM est un excellent examen pour voir les tissus et non pour les os. Une simple radiographie aurait suffi !

Pour limiter ces dépenses, il faut appliquer le concept des soins Base Évidence Médecine (BEM). Il consiste à baser les décisions cliniques non seulement sur les connaissances théoriques, le jugement et l'expérience qui sont les principales composantes de la médecine traditionnelle, mais également sur des "preuves" scientifiques tout en tenant compte des préférences des patients. Par "preuves" on entend les connaissances qui sont déduites des recherches cliniques systématiques réalisées principalement dans le domaine du pronostic, du diagnostic et du traitement des maladies et qui se basent sur des résultats valides et applicables dans la pratique médicale courante. Donc s'il n'y a pas de preuve, il ne doit pas y avoir de remboursement.

Côté recettes, il convient de cesser l’absurdité qui fait reposer sur le seul travail l’ensemble de la protection sociale. Même si nous sommes inégaux devant la maladie, il faut réfléchir sur l’instauration d’une franchise calculée sur le revenu : chaque personne supporte ses dépenses de santé jusqu'à un montant représentant un pourcentage donné de ses revenus. Au-delà, tout est remboursé. Quant aux affections de longue durée, elles sont exclues de la franchise. Pour mémoire, près de dix millions de personnes sont aujourd'hui en franchise complète de dépenses de santé pour affection de longue durée.

La protection contre le risque de maladie doit être également financée par tous les consommateurs puisqu'elle concerne tout le monde. De même, les contributions à la politique familiale ne doivent plus reposer sur le seul travail mais être abondées par la consommation. Les branches assurance du travail et de la maladie professionnelle de la Sécurité sociale ainsi que l’assurance-chômage doivent rester, elles, financées à 100% par les cotisations sociales.

Sur le sujet de l’offre des soins primaires et hospitaliers dans les territoires, les réformes législatives se succèdent mais aucune d'entre elles ne s’attaque à deux grands maux français que sont la consommation excessive de produits de santé et la redondance, deux grands maux qui s’associent à la désertification de structures de soins primaires et de structures hospitalières non évaluées et non adaptées aux nouveaux besoins de la population et aux progrès technologiques.

En outre, aujourd'hui, une partie de plus en plus importante de la population, en raison de la crise économique, du chômage et de la fragilisation de la cellule familiale, a besoin d’une prise en charge longue, à la fois médicale et sociale. Actuellement, les centres de santé représentent moins de 2,5% de l’offre de soins ambulatoires. La pratique pluriprofessionnelle leur permet pourtant d’assurer une activité de soins, de prévention. Ces centres de santé permettent une prise en charge sociale et médicale et de participer à la permanence des soins sur ce territoire.

Il faut équitablement répartir ces centres, les augmenter sur le territoire et éviter qu’en leur absence, les malades parfois bénins engorgent les services d’urgence. Il faut évaluer les économies liées aux regroupements de structures existantes et donner aux Agences Régionales de Santé (ARS) une véritable mission de structuration de l’offre de soins primaires à visée médicale et sociale, associant la prévention et l’éducation à la santé. Une offre de soins primaires de qualité, une complémentarité entre secteurs publics et privés, la pleine exploitation des technologies de l’information et de la communication doivent aussi permettre aux ARS de rationaliser le secteur hospitalier qui dépend toujours du ministère dans chaque territoire à condition de leur donner plus d’indépendance vis-à-vis de l’échelon national.

S’il apparaît évident que les soins de haute technicité doivent être réservés à des établissements de référence disposant de ressources techniques et humaines indispensables pour la qualité et la sécurité des soins, il persiste une ambiguïté sur les missions des structures hospitalières de proximité. Ces établissements doivent d’abord se concentrer sur des activités médicales non interventionnelles de gériatrie, de soins palliatifs, de soins de suite et de réadaptation. Il faut des hôpitaux de proximité a visée interventionnelle, sans définition précise du champ d’intervention revenant à oublier les contraintes liées à la démographie médicale, les contraintes économiques et les risques encourus par le malade en lien avec la sous-activité de l’établissement. Il est urgent de développer les outils de télémédecine et les moyens de transport entre les centres assurant la permanence des soins et les établissements de référence.

On ne peut également plus raisonner en nombre de médecins mais en temps médical, ce qui répond à la demande des jeunes praticiens. Il faut par ailleurs que les médecins fassent de la médecine et uniquement de la médecine pour ne pas perdre de temps. Je m’insurge sur le fait actuel que les médecins multiplient les tâches de secrétariat, prennent des rendez-vous ou rédigent des courriers. Est-ce normal que je tape mes lettres de sortie et mes comptes-rendus opératoires ? Ils sont mal tapés et je serais très certainement plus utile en faisant une intervention chirurgicale supplémentaire.

Pour une meilleure prise en charge de notre système de santé, il faut également insister sur quatre autres points : régionaliser le système de santé, mettre fin au numerus clausus dans les études de médecine, encourager les collectivités pour établir un réseau numérique de qualité permettant de lutter contre la désertification par l’envoi de résultat à des spécialistes et soutenir les maisons de santé issues d’un projet médical avec définition du projet et validation régionale de l'ARS et du Conseil Régional de l'Ordre des Médecins.

 

Olivier Jardé,
Chirurgien orthopédiste,
Conseiller départemental de la Somme

Résumé de mes propositions :

-Limiter les dépenses de santé via le concept de soins BEM.
-Financer une partie de la protection sociale par l'instauration d'une franchise calculée sur le revenu.
-Augmenter et répartir équitablement les centres de santé sur les territoires.
-Créer des hôpitaux de proximité à visée interventionnelle.

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