La transition climatique, un défi pour rassembler l'Europe.

La transition climatique, un défi pour rassembler l'Europe.

À l'heure où les élections européennes battent leur plein dans un contexte qui semble montrer que les États membres n'ont jamais été aussi divisés, une thématique peut (et doit !) les rassembler : celle de la transition climatique.

 

Si la réponse d’Annegret Kramp-Karrenbauer, présidente de la CDU, à la lettre d’Emmanuel Macron a été interprétée comme une fin de non-recevoir, une analyse plus fine et plus objective des propositions formulées par Berlin permet de constater que toute avancée en faveur de l’Europe n’est pas condamnée d’avance. En effet, les Européens, en dépit de leurs divergences, sont tous impactés de manière similaire par le changement climatique. La réponse à ce défi devrait par conséquent être notre nouvelle stratégie pour rassembler les forces européennes. La dirigeante conservatrice de la CDU évoque dans sa lettre un « pacte européen pour la protection du climat ». Si les dirigeants français, au lieu de se lamenter sur le sort de l’Europe, se saisissaient avec pragmatisme de cette idée, ils seraient en mesure de contribuer réellement à l’amélioration de la situation européenne et climatique.

 

Ce Pacte devrait prendre la forme d’un plan d’investissement à l’image du Plan Juncker. Opérationnel depuis 2015, ce dernier était parvenu à dépasser son objectif de 315 milliards d’euros dès juillet 2018. Le montant d’un nouveau pacte pour le climat devrait atteindre les 1000 milliards d’euros s’il veut être à la hauteur du changement climatique et de la crise économique que connaît l’Europe.

 

La République fédérale d’Allemagne, berceau de l’ordolibéralisme et chef de file des pays traditionnellement opposés à la relance économique et à la dépense publique, accepterait ce plan pour deux raisons principales. La première d’entre elles est la relation particulière qu’entretiennent nos voisins avec l’environnement. Depuis les débuts du romantisme allemand dans les années 1770, la nature a toujours fait l’objet d’une idéalisation et aujourd’hui, le Bade-Wurtemberg, qui figure parmi les Länder les plus conservateurs, est dirigé par un gouvernement écologiste. Malgré leur conservatisme économique et sociétal, les Allemands sont ainsi prêts à faire des concessions si l’on s’adresse à leur sensibilité environnementale. Par ailleurs, l’avantage industriel indéniable que l’Allemagne retirerait d’un plan d’investissement dans la transition énergétique ne manquerait pas de susciter l’intérêt de nos partenaires germaniques. 40% de l’électricité consommée outre-Rhin sont désormais issus d’énergies renouvelables, et cette transition énergétique rapide a favorisé le développement d’industries solaires et éoliennes qui sont aujourd’hui à la frontière technologique. Ces dernières profiteraient ainsi en premier lieu d’investissements européens dans le secteur des énergies renouvelables.

 

Ce plan, d’une nécessité absolue pour assurer la transition énergétique, permettrait de ressouder l’Europe autour de son projet initial de prospérité économique, de solidarité et d’universalisme.

 

Rassembler les pays européens exige tout d’abord que l’on sorte de la crise de la zone euro par le haut. La rigueur budgétaire imposée aux pays en difficulté depuis la crise des subprimes n’a pas permis de faire repartir l’économie européenne. Cela a au contraire bridé la croissance et amoindri encore davantage la confiance des investisseurs dans les titres de dettes des pays les plus touchés. Un plan de relance en faveur de l’environnement permettrait d’amorcer un cercle de croissance vertueux. 

 

De plus, un investissement dans la transition énergétique permettrait de mettre en place une stratégie harmonieuse d’industrialisation de long terme. Depuis la création de l'euro, les divergences dans l'évolution des productions industrielles sont spectaculaires : + 30 % en Allemagne, - 12 % en France, - 20 % en Espagne et en Italie. Déjà plusieurs siècles avant que Robert Mundell ne développât sa théorie sur les zones monétaires optimales (ZMO) – et montrait ainsi que la zone euro n’en était pas une –, l’économiste britannique David Ricardo indiquait que le libre-échange favorisait la polarisation plutôt que la similitude. En effet, les investissements et les capitaux se dirigent là où la tradition industrielle est la plus forte, la main d'œuvre la plus qualifiée et la fiscalité la plus attractive. Ainsi, la construction automobile a continué de fleurir en Allemagne tandis que les pays du Sud se désindustrialisaient massivement. Du Portugal à la Grèce en passant par l’Italie et l’Espagne, ce phénomène s’est retrouvé aggravé par l’impossibilité de pratiquer des dévaluations monétaires pour rétablir un taux de change rendant la concurrence soutenable. La lettre d’Annegret Kramp-Karrenbauer, comme toutes les déclarations des dirigeants allemands depuis une décennie, illustre à quel point le souhait des européistes français de mettre en place des transferts financiers ou un budget commun afin de compenser ces inégalités entre pays n’est qu’une chimère à l’heure actuelle. En revanche, un plan d’investissement pour le climat, acceptable pour les Allemands comme expliqué précédemment, pourrait être un moyen détourné de développer les infrastructures des pays du Sud, qui bénéficient de toute évidence d’atouts géographiques propices à la production d’énergies renouvelables, comme le soleil et la mer.

 

Enfin, ré-unir l’Europe exige de réunir les pays européens autour de leurs valeurs universelles et citoyennes. La première d’entre elles doit être l’engagement écologique européen, qui est l’affirmation de l’égalité de tous les Hommes à travers le temps.

 

Le changement climatique risque d’être une catastrophe planétaire, faisons-en une chance pour rassembler l’Europe dans une période de doute et de mélancolie souverainiste.

 

Valérie Ganivet.


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