Où est la 5G à Paris, Madame Hidalgo ?

Où est la 5G à Paris, Madame Hidalgo ?

Dans une tribune, des élus parisiens de la droite et du centre regrettent que la mairie n'ait toujours pas arrêté sa doctrine sur la 5G, lancée aujourd'hui en France. Ils lui reprochent de sacrifier cette cinquième génération de réseaux mobiles dans le seul but de plaire aux écolos.

La 5G, c'est maintenant. Mais Paris demeure comme tétanisée sur la ligne de départ, malgré le coup de sifflet lançant la course aux fréquences. Organisées par l'Etat, les enchères viennent d'aboutir à la répartition de ces fréquences entre les opérateurs télécoms, qui y ont mis le prix : 2,8 milliards d'euros, auxquels s'ajouteront d'importantes dépenses d'investissement pour partir à la conquête de ce nouveau marché. A compter d'aujourd'hui en principe, les opérateurs peuvent donc lancer leurs offres commerciales auprès des usagers comme des entreprises.

En bonne logique, la Ville de Paris devrait être, elle aussi, dans les « starting-blocks ». D'autant plus que l'accueil qu'elle réservera à ce saut technologique sera scruté bien au-delà des limites du périphérique, qu'il déterminera la compétitivité de nos entreprises (notamment du tissu parisien des start-up développeurs) et qu'il conditionnera l'image de Paris Ville Olympique aux yeux du monde en 2024. Pourtant, la réalité est bien éloignée de cette vision idyllique d'une ville responsable et tournée vers l'avenir, car Paris a égaré un temps précieux. A quelques jours du coup d'envoi commercial, la Ville de Paris n'a toujours pas arrêté sa doctrine et se perd en procrastination. Au point que les opérateurs télécoms, eux- mêmes, commencent à exprimer « mezza voce » leurs vives inquiétudes face à ce syndrome de la tortue dont souffre l'exécutif parisien sur ce dossier. Comment en est-on arrivé là ?

Ménager les Verts

Au cours de sa campagne municipale, Anne Hidalgo, tellement soucieuse de ménager ses alliés d'Europe Ecologie-Les Verts (EELV), a soigneusement évité la pomme de discorde que représente la 5G, feignant d'ignorer l'urgence. Décevant son secret espoir, sa victoire lors du scrutin ne lui a pas davantage permis de se libérer de l'emprise de son encombrant allié. Tout au contraire, la Maire de Paris se trouve l'otage de la composante verte de cette majorité municipale qu'on sait hétéroclite. Ainsi s'explique son initiative incongrue d'annoncer, lors du Conseil de Paris du mois d'octobre, le lancement d'une improbable consultation citoyenne à l'échelle de la métropole.

La Convention citoyenne pour le climat, décidée quelques mois plus tôt par le président de la République, a pourtant déjà rendu un avis sur la 5G : pourquoi s'en affranchir ? Pourquoi doublonner avec un autre panel ? Et pourquoi avoir étiré ce « machin consultatif » à l'ensemble de l'agglomération, sans même avoir concerté au préalable la Métropole du Grand Paris ? Autant d'incohérences qui amèneraient presque à se réjouir que cette consultation soit restée jusqu'à présent lettre morte, réduite à un effet d'annonce sans lendemain.

Discours extrémistes

Défaut d'anticipation et bricolage se combinent dans ce qui s'apparente à un renoncement de la part de la Maire de Paris. Eu égard à ses enjeux économiques, sanitaires, environnementaux et même sociétaux, la 5G mérite beaucoup mieux qu'un débat escamoté ou caricatural. Or, le champ politique ayant horreur du vide, déjà s'engouffre dans la brèche les discours les plus extrémistes sur la 5G. Il est vrai qu'Emmanuel Macron lui-même n'avait pas manqué d'allumer la mèche dans une référence hasardeuse aux Amish, prétendument rétifs à toute technologie.

Mais confortés par le maire écolo de Grenoble, Eric Piolle, affirmant très sérieusement que la 5G servira essentiellement à « regarder des films pornos dans les ascenseurs » (sic !), les jusqu'au-boutistes gagnent du terrain, agitant tantôt le ressentiment à l'égard du « Grand Capital » incarné ci-devant par les opérateurs télécoms, tantôt la peur de la violation des données personnelles et de la vie privée, sans parler de l'hydre du complot mondialisé dont la 5G serait la courroie de transmission.

Eclairer le débat démocratique

Le physicien et philosophe des sciences, Etienne Klein, rappelle opportunément qu'une technologie vaut non seulement pour ce qu'elle est, mais aussi pour ce qu'elle colporte avec et autour d'elle, ce qu'il appelle le « halo » technologique. Dans une société ébranlée en ses fondements par l'irruption d'un virus et où l'idée même de progrès ou d'innovation suscite de plus en plus souvent la suspicion, il revient aux élus un rôle éminent : celui d'éclairer le débat démocratique autour de la science et d'en expliquer les enjeux.

Voilà précisément là où a failli Anne Hidalgo, trop soucieuse de polir son profil de candidate présidentiable auprès d'une gauche écolo visiblement réfractaire au progrès technologique, pour se risquer sur le terrain escarpé de la 5G. Le temps manque à la veille du déploiement de nouvelles antennes à Paris, mais il n'est pas encore trop tard pour aider les Parisiens, comme l'ensemble de nos concitoyens, à comprendre l'intérêt de la 5G, en vulgariser le fonctionnement et dénoncer les mythes qui l'entourent.

Convaincus que l'acceptabilité sociale de ce bond technologique passe par cet effort de pédagogie indispensable, nous prendrons, quant à nous, toute notre part de responsabilité en exprimant clairement notre choix, au terme du cycle d'auditions, de concertations et d'échanges que nous conduisons depuis de nombreuses semaines à l'échelle de la capitale.

David Alphand est conseiller de Paris, vice-président délégué du groupe Changer Paris (LR, Centristes et Indépendants). Cette tribune est soutenue par les élus du groupe Changer Paris membres du collectif d'étude sur la 5G :Geoffroy Boulard (maire du 17e arrondissement), Vincent Baladi, René François Bernard (Les centristes), Anne Biraben, Jack-Yves Bohbot, Anne-Sophie Bordry, Véronique Bucaille (Les centristes), Bertil Fort, Jérôme Loriau, Carline Lubin Noël (Les centristes), Mathieu Luinaud, Franck Margain, Pierre Maurin (Les centristes), Aurélie Pirillo et Elisabeth Stibbe (Les centristes).


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