Nathalie Colin-Oesterlé : La santé est une arme géostratégique qui peut mettre à genoux un continent."

Nathalie Colin-Oesterlé : La santé est une arme géostratégique qui peut mettre à genoux un continent."

Retrouvez l'entretien que Nathalie Colin-Oesterlé, députée européenne, a accordé au magazine Les Échos sur les pénuries de médicaments en Europe.

 

L'eurodéputée Nathalie Colin-Oesterlé remet un rapport d'initiative sur les pénuries de médicaments. Elle insiste sur la nécessité, pour l'Europe, de renouer avec la souveraineté en la matière. Et explique aux « Echos » ses préconisations pour y parvenir.

 

Quelle est l'ampleur des pénuries de médicaments en Europe ?

C'est un phénomène connu depuis longtemps et en forte hausse : les pénuries ont été multipliées par 20 entre 2000 et 2018 dans l'Union européenne. Elles concernent surtout les produits chimiques peu coûteux et les médicaments dits « mâtures », c'est-à-dire sortis de la protection d'un brevet. On trouve dans cette catégorie des anticancéreux, des antibiotiques, des vaccins, des anesthésiants, des traitements de l'hypertension, des maladies cardiaques ou du système nerveux. Environ 40 % des médicaments commercialisés en Europe proviennent de pays tiers, Inde et Chine notamment. Et 80 % des principes actifs sont fabriqués dans ces deux pays. Pour de nombreuses molécules, il n'y a plus que deux ou trois fournisseurs au monde, souvent en Asie.

 

Que préconisez-vous ?

Il va falloir retrouver une souveraineté européenne car ne nous trompons pas : la santé est une arme géostratégique qui peut mettre à genoux un continent. Il faut donc viser une relocalisation, non pas de l'ensemble des productions, c'est impossible, mais de la production de certaines substances actives et de produits finis, tout particulièrement pour les médicaments d'intérêt stratégique en situation de criticité. Pour produire ces substances dont la chaîne de production apparaît fragile et qui ne présentent plus de grande rentabilité à la production, on pourrait imaginer la création d'un ou deux établissements pharmaceutiques européens à but non lucratifs. Il semble aussi nécessaire d'assouplir les règles relatives aux aides d'État. Aujourd'hui, elles ne sont autorisées que pour la recherche et l'innovation. Si on veut que les entreprises produisent sur le sol européen, il faut agir sur ce levier. Enfin il est essentiel, à long terme, d'investir dans l'innovation et la recherche pour être en pointe sur les médicaments d'avenir.

 

Mais dans l'immédiat, que peut-on faire ?

Il est nécessaire de pérenniser ce qu'a fait la Commission européenne en créant une réserve stratégique de matériel médical, cette fois avec une sorte de pharmacie européenne d'urgence pour les médicaments d'intérêt sanitaire et stratégique. Il y aurait un panier commun de médicaments acquis au nom de l'UE -ce qui implique une harmonisation de leurs prix. Il est impératif, également, de viser une plus grande transparence, aussi bien dans la chaîne de distribution du médicament qu'entre les États-membres. Aujourd'hui il est très difficile d'avoir de la visibilité sur les besoins réels des États-membres et sur le niveau des stocks dans chaque pays, d'où des phénomènes de surstockage. Il faut se coordonner et renforcer la solidarité pour mieux gérer les flux au sein du marché unique.

Gabriel Grésillon  (Bureau de Bruxelles).

 

Source : Les Échos.

 


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  • Paul-Eric Dècle
    a publié cette page dans Actualités 2020-04-29 18:04:16 +0200
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