Projet de loi 3D : Plaidoyer pour de réelles libertés locales

Projet de loi 3D : Plaidoyer pour de réelles libertés locales

La crise protéiforme que nous traversons à laquelle s’ajoute un retour sur le devant de la scène de la question sécuritaire, démontre que le modèle de l’État centralisé que nous connaissons est arrivé au bout de lui-même. Face aux multiples défis de cette période inédite, les collectivités locales doivent saisir l’opportunité que constitue le projet de loi dit 3D (décentralisation, différenciation et déconcentration) pour jouer pleinement leurs rôles

Des mots même du Ministre de la cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales Jacqueline Gourault, évoquant ce projet de loi lors d’une audition le 18 mai dernier devant la Commission du développement durable et la Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de l’Assemblée nationale, « les thématiques de ce texte sont d’actualités ». Reconnaissant-là à demi-mot l’échec de l’État et l’impérieuse nécessité aujourd’hui de faire confiance aux territoires.

 

Une centralisation et recentralisation marqué par l’échec de l’État 

            Avant même la crise sanitaire actuelle, les collectivités avaient déjà perdu leur autonomie fiscale, comme rappelé par le président de l’AMF, François Baroin, « l’État a supprimé un impôt qui ne lui appartenait pas » avec la taxe d’habitation. Bien que compensé à l’euro près depuis trois ans, cette ressource recentralisé est devenue une dotation de l’Etat réduisant de facto l’autonomie des collectivités et in fine la démocratie locale.

 

« Au cœur de la crise, où était l’État ? »

Mais cette recentralisation des moyens a-t-elle pour autant permis une meilleure efficacité de l’action de l’Etat ? Rien n’est moins sûr, hormis décréter dans la précipitation un confinement marquant l’impréparation de l’appareil étatique avec le verbatim « nous sommes en guerre », puis et chaque soir égrener le terrible bilan de l’épidémie, où était l’État pendant ces cinquante-cinq jours ? Où était l’Etat lorsqu’il a fallu commander et distribuer des masques ? des surblouses ? Les agences régionales de santé ? Censés être les relais du ministère de la santé dans les régions, elles ont montré leur caractère bureaucratique, leur impréparation à toute crise, certaines allant même jusqu’à garder leur logique comptable, typique de l’appareil d’État, en annonçant fermer des lits de réanimation, dès la crise passée. Qui est-ce qui est allé au-delà de son domaine de compétence pour pallier aux carences ?  Qui est-ce qui était en première ligne face à l’exclusion ? la précarité ? Qui est-ce qui a concrètement préparer le retour des élèves en classe ?

 

L’État a-t-il tiré les enseignements de cette crise ? Vraisemblablement non, l’État s’obstine dans l’erreur ! A l’occasion du plan de relance, l’État a annoncé une baisse des impôts de production plus que souhaitable, mais cible à nouveau les impôts locaux (la part régionale de la contribution sur la valeur des entreprises et les impôts fonciers). Il est donc urgent de changer de logiciel.

 

Faire confiance aux territoires  

Les prémices du projet de loi 3D et le tour de France entamé par Jacqueline Gourault avant l’épidémie avait suscité un grand espoir dans les Territoires. Le Sénat impatient a même rédigé 50 propositions détaillées sans attendre le projet de loi. Au cœur de ce rapport, la subsidiarité et l’autonomie financière.  Comme l’ont montré les auditions à l’occasion du rapport d’information du Sénat sur les collectivités face au Covid-19, les élus locaux sont plus qu’indispensables à l’action publique, ils ont été les portes voix des Français à l’État dans cette situation d’urgence. Car oui, les Français se sont spontanément tournés vers l’élu de proximité, de terrain, pas vers l’administration lorsque la menace était là. Dès lors, comment pourrait perdurer la situation où l’acteur vers lequel les Français se tournent légitimement est sans moyen ni pouvoir d’agir ?

 

L’État ne peut pas s’obstiner à imposer le mode de vie parisien partout en France !

 

Voilà pourquoi les élus de proximité, ceux du quotidien, ceux du terrain doivent avoir plus de pouvoirs, de compétences, de domaines où ils constituent l’échelon clef pour agir. L’État ne peut pas s’obstiner à imposer le mode de vie parisien partout en France ! La meilleure réponse est donc la décentralisation mais aussi la différenciation, il n’est plus possible que des collectivités répondent à la parfaite même organisation dans le Nord et en Lozère. Bien entendu, il ne s’agit pas de créer un patchwork de collectivités à statut particulier, la République est et demeure une et indivisible, mais il s'agit de créer des régimes d’adaptation aux réalités des territoires.

 

Pour ce faire, le Sénat, mais aussi les associations d’élus doivent, dans un dialogue permanent avec l’État plus en phase avec l’idée d’une déconcentration, continuer à prôner les victoires jusqu’à présent engrangé à l’occasion du déconfinement que ce soit en termes de décentralisation ou de différenciation.

 

En conclusion, les collectivités locales doivent maintenant mener par leurs représentants un dialogue exigeant avec l’État pour obtenir gain de cause, il s’agit autant aujourd’hui d’une question de résilience que demain d’efficacité de l’action publique.  

 

Alexandre Nemo

 


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